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L’Affaire Bétharram
« L’affaire Bétharram » désigne les dénonciations successives de violences commises à l’encontre des élèves de Notre-Dame de Bétharram pendant plusieurs décennies.
Située à 23 kilomètres au sud-est de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques, la commune de Lestelle-Bétharram abrite la congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram fondée en 1835 par le Père Michel Garicoïts (1797-1863), qui y ouvrit une école en 1837. De l’après-guerre jusqu’au tournant du XXIe siècle, Notre-Dame de Bétharram bénéficie d’un important prestige social dans tout le sud-ouest de la France : l’établissement est réputé pour la qualité de la formation qu’il propose mais aussi pour la discipline qui y règne.
Depuis les années 1950 au moins, des centaines d’élèves y ont été victimes de violences physiques, psychologiques et sexuelles, commises par des membres du personnel laïc et par des religieux. Si, jusqu’au début des années 1990, les élèves peinent à se faire entendre, deux signalements, en 1996 et 1998, mettent en lumière des pratiques au sein de l’établissement. Depuis 2023, les récits d’anciens internes et externes se multiplient : à ce jour, plus de 200 plaintes ont été déposées.

Résumé de l’affaire Bétharram
Chronologie politico-judiciaire de l’affaire
Les premiers témoignages de violences remontent à la fin des années 1950 : Jean-Marie Delbos, élève à Bétharram, raconte en 1961 les viols que lui a fait subir un jeune prêtre au sein de l’établissement. Son témoignage reste lettre morte. Plusieurs décennies après les faits, de nombreux anciens élèves ont pris la parole pour dénoncer les violences dont ils ont été victimes pendant leur scolarité principalement entre les années 1960 et les années 1990. Les faits dénoncés sont variés : coups et gifles, mauvais traitements et insultes, punitions extrêmes, ainsi que des agressions sexuelles, attouchements et viols.

À cette époque, ces faits trouvent un écho limité. Toutefois, en 1993, l’école Notre-Dame de Bétharram est condamnée par la justice après qu’un élève frappé par un surveillant a perdu l’audition d’une oreille. Trois ans plus tard, un parent d’élève porte plainte à la suite de brutalités dont son fils, Marc Lacoste, a été victime au cours de l’année 1995.
Largement couverte par la presse régionale et nationale, cette affaire interroge le cadre éducatif qui règne dans l’établissement. À cette époque, le ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou, est aussi président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et parent d’élève de Bétharram (son fils Calixte Bayrou est dans la même classe que Marc Lacoste). Un rapport d’inspection, demandé par le ministre, ne conclut pas à l’existence de maltraitances à Bétharram ; un dénouement qui conforte les nombreux soutiens de l’établissement dans la région. François Bayrou dénonce alors les « attaques » contre l’institution lors d’une visite. Françoise Gullung, enseignante de mathématiques à l’établissement depuis 1994, affirme pourtant que des violences du même type étaient fréquente et connue, et que la direction a donné au corps enseignant la consigne de garder le silence. En juin, le surveillant général mis en cause, Marie-Paul de Behr, est condamné à 5000 francs d’amende avec sursis. Il reste en poste jusqu’au début des années 2000.
Le débat sur les violences commises à Bétharram est relancé deux ans plus tard, à la suite d’un dépôt de plainte visant l’ancien directeur, le père Silviet-Carricart, pour des faits de viol sur mineur. Le juge d’instruction Christian Mirande demande la mise en examen du prêtre le 28 mai 1998 à l’issue sa garde à vue. Remis en liberté le 9 juin suivant, son contrôle judiciaire est levé le 29 juin 1999. Il rejoint le Vatican où il a été élu économe général de la congrégation. Convoqué par le juge d’instruction quelques mois plus tard après de nouvelles accusations, le religieux disparaît, laissant derrière lui une lettre où il réaffirme son innocence. Son corps est repêché dans le Tibre le 2 février 2000. Six ans après le suicide du prêtre, le premier plaignant dans cette affaire obtient gain de cause au civil : la responsabilité de l’institution est reconnue par la Cour d’appel de Pau le 25 septembre 2006. À la même époque, Notre-Dame de Bétharram connaît une importante réorganisation : la direction de l’établissement est confiée à un laïc en 2001, et l’école change de nom en 2009, devenant le Groupe scolaire du Beau Rameau.
Une libération de la parole récente
Dix ans plus tard, dans un contexte marqué par les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) et par le mouvement Metoo, les anciennes victimes de l’établissement prennent la parole. À partir de la fin de l’année 2023, Alain Esquerre, élève entre 1980 et 1985, recueille les témoignages d’autres anciens sur ces violences et crée un collectif de victimes. Les plaintes qu’il transmet au procureur de Pau à partir de janvier 2024 mènent à l’ouverture d’une enquête préliminaire le 1er février 2024 puis, un an plus tard, à la garde à vue de trois personnes accusées de violences physiques et sexuelles. Depuis, les témoignages s’accumulent, dépeignant un établissement où régnait la terreur et l’arbitraire des surveillants, des professeurs et des prêtres.
L’affaire Bétharram a pris une ampleur inédite après la nomination au poste de Premier ministre de François Bayrou. Le maire de Pau est accusé de ne pas avoir agi à l’époque pour mettre un terme aux violences, alors qu’il est soupçonné d’avoir été informé des pratiques disciplinaires violentes au sein de l’établissement, mais aussi d’être intervenu auprès de la justice suite à l’arrestation du père Silviet-Carricart. Interrogé à de nombreuses reprises, le Premier ministre a multiplié les déclarations, provoquant la création de la Commission d’enquête parlementaire sur les modalités de contrôle par l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires le 19 février 2025. Les investigations de nombreux médias et journalistes pointent du doigt l’absence de réaction institutionnelle autour de ces violences, demeurées impunies.
C’est pour répondre à cette demande de vérité que la Commission d’enquête indépendante relative aux violences sexuelles et physiques commises à Notre-Dame-de-Bétharram a été mise en place.