Communiqué de presse de la commission d’enquête indépendante sur les violences sexuelles et physiques commises a Notre-Dame-De-Bétharram 

10 juillet 2025

1ère partie – Evolutions statutaires 

La CEIB s’est étonnée du communiqué de presse publié le 3 juillet dernier par le Collectif des victimes de Bétharram, car une réforme du statut de commissaire référent était déjà en cours pour répondre à une situation critique et que Laurent Bacho et Alexandre Perez avaient déjà accepté de se retirer de la Commission, le 2 juillet. 

Pourquoi des Commissaires référents ? 

Pour rappel, la CEIB a souhaité, à travers son président, innover en associant les personnes victimes à ses travaux dès sa création. Pour ce faire, un statut spécifique de commissaires référents a été imaginé pour permettre la participation des personnes concernées, sans les assujettir aux obligations d’impartialité et de confidentialité des commissaires stricto sensu. Il s’agissait pour la Commission d’initier une approche centrée sur les victimes, tout en bénéficiant de leur incontournable savoir expérientiel. 

Difficultés rencontrées 

– deux des 4 commissaires référents, l’un représentant les victimes, Alexandre Perez, l’autre représentant la congrégation, Laurent Bacho, ont été mis en cause par différentes parties et dans les médias. Sans que cela ne préjuge de leurs responsabilités effectives, la Commission les remercie d’avoir accepté de renoncer à leur participation, dès le mercredi 2 juillet, afin qu’elle soit en mesure d’offrir un climat sécurisé et sécurisant à toutes les personnes ayant souffert de violences, en particulier, et pour le public destinataire de son rapport, en général ; 

de fortes dissensions se sont également fait sentir entre les victimes. Ces dissensions ne constituent pas de simples désaccords de fond, tout à fait acceptables et même souhaitables, chacun ayant ses convictions, son vécu et ses attentes et le droit de les exprimer. La Commission a en effet été prise à partie dans des conflits de personnes, mêlant invectives, accusations diverses, déni de représentativité voire du statut de victime, et même menaces. En outre, à côté du collectif historique fondé par Alain Esquerre, deux autres groupes de victimes se sont manifestés auprès de la Commission : l’Association des victimes de Notre-Dame-de-Bétharram et les victimes appartenant au Collectif « De l’ombre à la lumière, Justice et Réparation ».

La Commission déplore que certains commissaires référents ou d’autres personnes victimes de violence aient été profondément blessés par des propos tenus à leur encontre, des menaces ou une remise en cause des violences qu’elles ont dénoncées ou des conséquences qu’elles ont eues pour elles, notamment par d’autres victimes. Si la Commission ne peut réguler les relations interpersonnelles, elle n’acceptera pas d’être le théâtre ou le prétexte d’affrontements, qui lui sont en réalité totalement extérieurs. De même, consciente des risques d’interprétation ou d’incompréhension, la Commission souligne que seuls ses communiqués officiels l’engagent. 

Une certaine confusion s’est fait sentir, en dépit des principes posés dès le lancement de la Commission quant au rôle et aux compétences des commissaires référents. Pour des raisons évidentes, ces derniers ne peuvent être soumis à l’obligation de confidentialité et de neutralité. Dès lors, ils ne peuvent avoir un accès direct aux données personnelles mises à jour durant le travail de la Commission, que ce soit dans les témoignages écrits, lors des auditions ou dans les archives, ces dernières exigeant en outre des compétences spécifiques pour être inventoriées et exploitées. Ces points ont été discutés lors du séminaire début mai, ainsi que lors de la réunion plénière du 3 juin. A cette occasion, il a néanmoins été rappelé que si une victime a besoin d’accéder à une ou plusieurs informations (ex : années de scolarisation, identité d’un agresseur), notamment pour déposer plainte ou saisir la CRR, elle peut en faire la demande auprès de la Commission, qui les lui transmettra. 

Réformes 

La Commission se doit de réagir face à cette situation, qui met en péril sa capacité à offrir un espace d’accueil et d’écoute pour l’ensemble des personnes victimes, mais pourrait également mettre en danger, si elle perdurait, la conduite et la réussite de ses travaux. La Commission ne peut pas devenir un enjeu ou un prétexte de conflits. Elle entend au contraire mener à bien ses missions, avec et pour les victimes de violences sexuelles et physiques à Notre-Dame-de-Bétharram, afin que leurs droits à la vérité, à la réparation et aux garanties de non-répétition soient enfin effectifs. 

Pour ce faire, avec l’appui de son Comité d’éthique, la Commission d’enquête indépendante a réfléchi à des solutions et estime nécessaire de réformer le statut de commissaires référents, sans aucunement remettre en question la participation des victimes, en tant qu’actrices du processus, à ses côtés. 

La Commission tient en premier lieu à rappeler les principes suivants : 

– la Commission se doit de considérer de manière identique, c’est-à-dire sans aucune discrimination ou aucun favoritisme, l’ensemble des personnes victimes de violences sexuelles et physiques à Notre-Dame-de-Bétharram. Toutes doivent pouvoir participer à ses travaux, ainsi qu’être et se sentir pleinement respectées ; 

– la Commission doit constituer un espace sûr pour toutes et tous. En ce sens, sans empêcher l’expression de désaccords, les menaces, injures et diffamations doivent être exclues des relations interpersonnelles et ne seront pas admises par la Commission, tant à l’égard de ses membres stricto sensu, que de toute personne contribuant à ses activités quel que soit son statut. En ce sens, chacun.e doit se sentir libre et en confiance pour la contacter, déposer son témoignage, participer aux auditions et exprimer ses souhaits et ses attentes. 

– la Commission, dont l’indépendance et l’efficacité exigent qu’elle ne soit pas soumise à des pressions ou des intimidations de quelque nature qu’elles soient, doit enfin être un espace préservé et serein. Si l’ensemble des personnes impliquées dans le processus ont le droit de faire valoir leurs opinions, y compris en désaccord avec les positions défendues par la Commission, cette expression libre et pluraliste ne doit se transformer ni en menace, ni en dénigrement. 

Pour maintenir un travail collaboratif avec les victimes auquel elle est très attachée tout en rétablissant une sérénité indispensable au bien-être et à la participation de tous, ainsi qu’au déroulement de ses travaux, la Commission a pris, avec l’appui de son Comité d’éthique, les décisions suivantes :

Le collège des commissaires référents est remplacé par deux collèges : 

1. Le Collège des anciens élèves victimes de Bétharram composé de représentants de l’ensemble des collectifs qui se sont fait connaître auprès de la Commission, à savoir : le Collectif fondé par Alain Esquerre, l’Association des victimes de Notre-Dame-de-Bétharram, le Collectif « De l’ombre à la lumière, Justice et Réparation », le Collectif d’Ozanam et un représentant des victimes de personnes mises en cause pour des violences commises à Notre-Dame-de-Bétharram, ayant subi des violences en Côte d’Ivoire. 

Si d’autres collectifs devaient saisir la Commission, la composition du Collège pourrait être élargie. 

A ce jour, les collectifs sollicités ont accepté de participer, à l’exception de celui fondé par Alain Esquerre. La CEIB tient à souligner que ce dernier Collectif demeure bienvenu pour participer aux travaux de ce collège. 

Les fonctions de ce Collège seront les suivantes : représenter les intérêts des victimes de Bétharram auprès de la Commission ; être consulté et donner des avis sur les travaux menés par la Commission, dont il sera informé, dans le respect du principe de confidentialité, à l’occasion d’une réunion mensuelle de dialogue ; partager avec la Commission connaissances et expertises concernant Notre-Dame-de-Bétharram et les violences qui y ont été commises ou concernant les autres établissements dans lesquels des violences ont été commises par des personnes mises en cause à Notre-Dame-de-Bétharram ; donner un avis sur les recommandations relatives à la réparation et aux garanties de non-répétition formulées par la Commission ; rédiger, le cas échéant, un ou plusieurs avis concordants ou divergents sur le rapport final de la Commission. 

Si ce dispositif s’avérait insuffisant, il pourrait être complété par des réunions d’information ouvertes à toutes les victimes. 

2. Le Collège des institutions et associations catholiques composé de représentants des structures concernées ou intéressées par les travaux de la Commission, à savoir la congrégation de Bétharram, l’OGEC de l’établissement Le Beau Rameau, la direction de l’enseignement catholique à l’échelle locale et Scouts et Guides de France. 

Les fonctions de ce Collège seront les suivantes : être informé du déroulement des travaux de la Commission à l’occasion d’une réunion mensuelle, dans la limite du strict respect des principes de confidentialité et d’indépendance de la Commission ; partager avec la Commission connaissances et expertises relatives à l’organisation représentée ; répondre aux demandes d’information de la Commission, incluant par exemple l’audition de personnes ou encore le partage de documents, de références et d’archives ; donner un avis sur les recommandations relatives aux garanties de non-répétition formulées par la Commission. 

Ces modifications ne changent en aucun cas l’esprit initial consistant à mettre l’expertise des victimes au coeur des travaux de la Commission, mais ont pour objet d’assurer un travail sérieux, serein sans entrave, compte tenu du temps contraint dont elle dispose. La Commission ne sera un espace ni d’agression, ni d’exclusion. 

Nous ne doutons pas que, dans l’intérêt de toutes les victimes, cette démarche sera comprise et acceptée. 

2ème partie – Principales avancées 

Vérité et enquêtes 

La CEIB a d’ores et déjà eu accès, sans difficulté, aux archives de la congrégation de Bétharram, qui ont été inventoriées et sont déjà en cours d’exploitation. Les recherches historiques et sociologiques ont également commencé. 4 

L’appel à témoignages a été lancé le 23 juin. Déjà nombreux à avoir été déposés, leur collecte se poursuivra jusqu’à en octobre. 

Plus d’une dizaine d’auditions de personnes victimes se sont déjà tenues, en sachant que la plupart se tiendra à partir du mois de septembre. 

Des auditions d’acteurs et de témoins, notamment des religieux et d’anciens enseignants, se tiendront au mois de juillet. 

Réparations 

Poursuite des réparations pour les violences sexuelles commises par les religieux 

La CEIB tient à réaffirmer que la réparation des violences sexuelles commises par les religieux se poursuit devant la Commission Reconnaissance et Réparation (CRR). Elle s’étonne donc de l’affirmation contraire faite, dans le communiqué publié le 3 juillet dernier. La CEIB rappelle qu’elle travaille en complémentarité avec la CRR et la Justice. Ses travaux confortent ou complètent les actions déjà en cours et n’ont ni pour objet, ni pour effet de les restreindre ou de les empêcher. La CEIB appelle donc toutes les personnes ayant subi des violences sexuelles commises par un religieux à Notre-Dame-de-Bétharram, qui souhaitent obtenir une réparation, à saisir la CRR, qui prendra en charge leurs demandes comme à l’accoutumée. 

Contacts CRR : 09 73 88 25 71, https://www.reconnaissancereparation.org/ 

Préparation des réparations pour les violences sexuelles commises par les laïcs 

Des travaux sont en cours pour que débute au plus vite la réparation des violences sexuelles commises par les laïcs, dans le cadre d’une réflexion avec la Commission Reconnaissance et Réparation, avec l’objectif commun de garantir une égalité dans les réparations faites aux victimes, quel que soit le statut de leur agresseur. La Commission a pleinement conscience que ces réparations sont attendues depuis longtemps et répondent à un besoin pressant. Elle s’efforce donc d’accélérer, autant que faire se peut, leur démarrage. 

Préparation des réparations pour les violences physiques 

Un groupe de travail spécifiquement dédié à la réparation des violences physiques a commencé ses travaux. Ses principales conclusions seront rendues au mois de décembre 2025. 

Audit financier en cours 

Un audit financier indépendant a d’ores et déjà été lancé pour disposer d’une évaluation indépendante, professionnelle et crédible du patrimoine financier de la congrégation de Bétharram. Il s’agit d’un travail essentiel pour une évaluation initiale du montant disponible pour une réparation effective des violences commises. Les données seront rendues publiques pour que l’ensemble des parties prenantes, y compris les victimes, en aient connaissance. 

Rappel – La Commission d’enquête indépendante en bref 

Dans un communiqué en date du 28 février 2025, la congrégation de Bétharram a décidé de la création d’une commission d’enquête indépendante relative aux violences sexuelles et physiques commises à Notre-Dame-de-Bétharram. 

Cette Commission d’enquête indépendante est présidée par le Professeur Jean-Pierre Massias, président de l’IFJD, qui en a déterminé la composition. Elle réunit des juristes, des historiens, des sociologues, des psychologues/psychiatres reconnus pour leurs compétences et leurs engagements concernant les droits des enfants et la réparation des violences. Nombre d’entre eux ont déjà participé aux travaux de la CIASE, de la CIIVISE ou de la Commission relative aux enfants réunionnais de la Creuse. Parmi les dix commissaires, figurent notamment Me Dominique Attias, Jean-Pierre Rosenczveig, Muriel Salmona et Philippe Vitale (composition complète ici). La Commission s’appuie également sur un Comité d’éthique, composé de Jean-Arnold de Clermont, Geneviève Garrigos, Véronique Margron et Jean-Marc Sauvé. 

Les missions de la Commission d’enquête indépendante sont les suivantes : 

  • Faire un bilan exhaustif des violences physiques et sexuelles et de toute autre forme de violence commises à l’Ecole Notre-Dame-de-Bétharram ou dans le cadre des activités organisées par le Vicariat de France de la Congrégation ; 
  • Qualifier la nature des violences commises, retracer la manière dont elles ont été ou non traitées, établir les causes de ces violences et du silence qui les a entourées pendant plusieurs décennies ; 
  • Proposer des mesures de reconnaissance à l’égard des victimes et un processus de réparation mémorielle (excuses, monument et/ou plaque, journée de rencontres etc.) ; 
  • Proposer des dispositifs de réparation pour les victimes de violences sexuelles et/ou physiques, qui ne pourraient obtenir réparation par la voie judiciaire ; 
  • Proposer à l’ensemble scolaire Beau Rameau des mesures de réorganisation administrative et pédagogique et vérifier celles déjà mises en place afin de prévenir pour l’avenir toute reproduction des violences physiques et sexuelles ; 
  • Formuler des recommandations sur la création et/ou le fonctionnement des cellules d’écoute des établissements scolaires et des lieux de la congrégation à l’étranger.